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En cette période d’épidémie, la littérature et les rapports scientifiques passés sont riches d’enseignement sur les comportements humains en temps de crise sanitaire.
Le XVIIIe siècle fut en effet marqué par de nombreux pics épidémiques. Certaines villes de France furent particulièrement touchées, comme le révèlent les rapports dressés a posteriori.
Dès 1865, le Docteur Foissac dans son ouvrage Les trois fléaux : le choléra épidémique, la fièvre jaune et la peste dressait déjà le triste constat suivant : “Depuis la peste noire du XIVe siècle, aucune épidémie n'avait produit d'aussi grands ravages et une terreur aussi générale que le choléra asiatique.” p 1
Or, après avoir frappé au Moyen-Âge, la peste refait surface en France quatre siècles plus tard. Ville portuaire, Marseille souffrit au cours de son histoires de nombreux maux, dont l’épidémie de peste de 1720, qui décima près de 40 000 personnes. Si l’origine de cette “mort noire” reste aujourd’hui encore inconnue, l’ouvrage La Peste de Marseille (Mary-Lafon) retrace le parcours possible de l’épidémie, depuis l’arrivée en mai 1720 du navire Le Grand Saint-Antoine, chargé d’étoffes en provenance d’Asie et principal suspect comme vecteur potentiel de l’épidémie.
En France, le choléra se développe sur tout le territoire ; des ouvrages permettent d’en appréhender la réalité concrète dans des territoires donnés, tels que Le choléra : histoire d'une épidémie, Finistère 1885-1886 (Éd.1892) par Henri Monod, ancien préfet du Finistère et directeur de l’Assistance et de l’hygiène publique de l’époque, qui présente notamment une typologie des cas recensés ; “Il résulte encore des indications de notre document A que sur les 72 décédés, 16 étaient des individus chétifs, habituellement ou accidentellement malades. Sur les 54 guéris, 10 sont qualifiés de maladifs.” p 199
Ces premiers bilans s’accompagnent de considérations sociologiques et d’enquêtes menées in situ, notamment suite à l’épidémie de fièvre typhoïde qui survient à Clermont-Ferrand en 1886. Le Rapport sur l'épidémie de fièvre typhoïde de Clermont-Ferrand en 1886 relie ainsi le développement de cette crise aux conditions climatiques : “(...) Cette épidémie dont la généralisation témoigne qu’il ne s’agit pas d’une cause purement locale, est d’origine miasmatique, et que les conditions climatiques exceptionnelles qui ont été observées pendant les six derniers mois de l’année 1887 n’ont pas été étrangers à son développement.” p 6
Le Havre eut à déplorer une crise de typhus à la fin du XIXe : Le typhus exanthématique au Havre en 1893 : origine américaine de l'épidémie française de 1892-1893, une étude du professeur A. Charlier, enquête sur le parcours du patient 0 en France : “La période d’incubation moyenne étant de dix à douze jours, on voit qu’il aurait été contaminé dès les deux ou trois premiers jours de son arrivée à New York, c’est-à-dire vers le 28 mars.” p 11
Parmi ces maladies, la tuberculose est aujourd’hui encore en tête des causes de mortalité d’origine infectieuse. Pour mieux comprendre l’apparition de ce malheureux phénomène, l’Essai historique sur les indices du début de la tuberculose pulmonaire annonce d’entrée de jeu : “C’est presque un lieu commun de répéter que la tuberculose pulmonaire est « la plus intéressante et la plus universelle des maladies chroniques » (Pidoux).” p 5
Ces crises engendrèrent diverses réformes sanitaires que le docteur Aubert-Roche, dans De la réforme des quarantaine et des lois sanitaires de la peste présente en ces termes “Si je provoque une réforme devenue nécessaire et devant laquelle il n’est plus permis à personne de reculer ce n’est certes pas pour le plaisir d’écrire et de parler : je remplis un devoir.”
Impact des épidémies dans la littérature
Les pandémies ont bien souvent marqué la littérature, à commencer par le grand classique de Sophocle, Oedipe roi, tragédie. Traduit littéralement en vers français, précédée d'une étude tragédie ayant pour triste décor Thèbes dévastée par la peste juste après le mariage d’Oedipe et Jocaste, comme un châtiment divin. La peste marque en effet un tournant dans l’action et amorce pour Oedipe le début de sa véritable quête : la découverte de son destin ; “Créon - “Les paroles du Dieu vont sortir de ma bouche. Voici ce qu’Apollon souverain nous prédit : “Purgez le sol thébain du monstre qu’il nourrit ! L’incurable fléau demande qu’on l’expie.” p 51
Enfin, ce contexte est aussi l’occasion de revenir sur l’oeuvre magistrale et d’une étonnante modernité de Boccace, Le Décaméron.
Florence, XIVe siècle. Dix jeunes gens fuient la ville, épicentre de l’épidémie de peste. Pendant dix jours, chacun raconte dix nouvelles pour distraire les autres : ces cents récits composent Le Décaméron, ou Les dix journées galantes. Boccace rédigea son oeuvre classique entre 1349 et 1353, à l’époque où Florence fut frappée par l’épidémie de peste noire. Parmi ces nouvelles, “La confession de Saint Chapelet”, “Le péché partagé”, ou encore “Le voyage d’Abraham de Paris à Rome” qui rappelle que : “Le récit que vous allez entendre vous prouvera que la patience avec laquelle Dieu souffre les désordres publics de ceux qui, par état, sont obligés de nous édifier par des exemples de vertu, est une des plus fortes preuves de la vérité de notre religion. “ p 20