Le patrimoine à portée de main

Les Échecs : du Chaturanga au Café de la Régence

Les échecs sont un jeu de tradition pluriséculaire. Hachette-BnF souhaite mettre en valeur plusieurs ouvrages présentant cet ancestrale jeu de société, à travers les collections de la Bibliothèque nationale de France. 

Dans son introduction historique au Nouveau manuel illustré du jeu des échecs publié en 1861, le professeur Duncan Forbes aborde l’histoire de ce jeu débutant par l’invention du Chaturanga en Inde : « L’origine de ce jeu se perd dans la nuit des temps les plus reculés ; mais il n’y a aucun doute, comme nous le montrerons, qu’il ait été inventé dans l’Inde. » Deux ans plus tard, dans les « mélanges historiques, anecdotiques et littéraires » ouvrant le Traité élémentaire du jeu des échecs, le comte de Basterot s’appuie sur les écrits du professeur : « Les recherches du docteur Forbes ont mis hors de doute que le jeu des Échecs a pris naissance dans ce beau pays de l’Inde, berceau de la plus antique civilisation et source de quelques-unes de nos connaissances les plus précieuses. » Puis Basterot rapporte les légendes quant aux origines du jeu qui se sont ensuite répandues : « À peine ce jeu fut-il répandu en Asie et en Europe, que des savants, frappés de la beauté de ses combinaisons, cherchèrent, sans souci de la vérité, à lui assigner une origine illustre », tant parmi les Arabes que les Européens.

Le Traité témoigne du prestige certain de ce jeu durant des siècles : « Les Échecs furent tenus autrefois en si haute estime, que nous en trouvons des traces dans les armoiries d’une foule de familles nobles ; nous en connaissons vingt-trois en France et vingt-six en Angleterre, qui portent des Rocs d'Échiquier ou des Échiquiers dans leurs armoiries. » En effet, tactique militaire et échecs semblent avoir toujours été liés, ainsi lit-on dans l’Histoire anecdotique et psychologie des jeux de cartes, dés, échecs : « Les échecs sont l’image de la guerre. On étudie la théorie des Ouvertures et des Fins de partie, comme les principes consacrés de l’art militaire. [...] La partie s’engage et se développe d’après un plan de campagne arrêté ; on prend des positions sur le terrain. La reine est le général en chef ; les cavaliers marchent en éclaireurs ; les fous, les lorgneurs, sont les officiers d’état-major ; les tours, l’artillerie ; les pions, l’infanterie. Et tout cela marche, avance, recule, manœuvre et combat jusqu’à la mort, c’est-à-dire le Mat. »

« La pièce la plus importante après le Roi, la plus active et la plus formidable dans notre petite guerre, est la Dame », affirme le Traité élémentaire du jeu des échecs, qui relève : « C’est déjà une singularité ; car ce rôle paraît peu approprié à une femme, et, sans l’explication donnée plus loin, on s’étonnerait à juste titre qu’il lui eût été attribué dans un jeu provenant d’un pays où les femmes sont complètement exclues de toute fonction publique. » À propos du fameux Gambit de la Dame, l’ouvrage rapporte, avant d’en donner les détails : « Cette ouverture a été de tout temps, parmi les grands joueurs, une manière favorite de commencer la partie. Stamma d’Alep la vante comme la meilleure de toutes ; d’où on l’a quelquefois appelée le Gambit d’Alep ou d’Aleppo. Il exige un jeu très correct ; la plus légère erreur ayant des conséquences fort graves, comme nous allons le démontrer. » Le Nouveau manuel illustré du jeu des échecs décrit ainsi cette stratégie : « l’attention se concentre ici sur des lignes d’attaque et de défense inflexibles comme les rails d’un chemin de fer : tout est précis et solide, les combinaisons tendent surtout à prendre meilleure position sur l'Échiquier, et, conséquence assez étrange, ces débuts, qu’on peut qualifier de fermés, engagent néanmoins la lutte sur tous les points ».

Au-delà de cette ouverture rendue célèbre par une mini-série à succès, les combinaisons et les parties sont depuis longtemps reproduites et savamment étudiées dans les ouvrages, à l’instar de Cinquante parties jouées au cercle des échecs et au café de la Régence, haut lieu parisien des échecs aux XVIIIe et XIXe siècles. Dans Histoire anecdotique et psychologie des jeux de cartes, dés, échecs, pour démentir le lieu commun que les parties d’échecs sont interminables, Victor du Bled rapporte que « le fameux la Bourdonnais, en soixante minutes, fit vingt-trois fois échec et mat Bausset, surnommé le Vélocipède à cause de la rapidité de son jeu ».

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