Le patrimoine à portée de main

L’homosexualité féminine dans le texte

L’homosexualité féminine a longtemps fait l’objet de textes scientifiques qui la posait en perversion des mœurs, à l’instar du traité du docteur Jean Fauconney La masturbation et la sodomie féminines. Clitorisme, saphisme, tribadisme, déformation des organes à l’intitulé assez parlant.

Le texte porte un jugement qui reflète la pensée de l’époque sur ces relations : « La dépravation des femmes peut être aussi grande et même aller plus loin que celle des hommes, parce que leur système nerveux, naturellement plus excitable, se laisse moins dominer par la raison, quoique cette sage conseillère ne soit guère écoutée ni de l'un ni de l'autre sexe, dans les emportements de la passion. Pour se rendre compte de cette vérité, il faut lire des lettres émanant de tribades, lettres qui expriment l'amour le plus intense, qui peignent la jalousie extrême dans ce qu'elle a de plus violent, relatant la passion furieuse qui les anime. »

En littérature néanmoins, le motif, quoique censuré, de l’amour lesbien rencontre un franc succès à la fin du Second-Empire. En témoigne la réception des nombreux ouvrages d’Adolphe Belot, qui se défend en préface de Mademoiselle Giraud, ma femme de cautionner ce qu’il décrit : « Mademoiselle Giraud, ma femme, repose, il est vrai, sur une donnée délicate, mais on s'est appliqué à châtier la forme, à éviter toute expression mal sonnante, toute peinture trop vive, tout détail indiscret. L'auteur a préféré souvent pécher par trop d'obscurité que par trop de clarté, et il est persuadé que si ce roman venait à s'égarer au milieu de jeunes esprits, il resterait énigmatique. » Le narrateur, mari trompé par son épouse avec une de ses amies, conçoit difficilement l’affaire : « Ma conscience, qui se révoltait, m'empêcha, pendant un certain temps, d'ajouter foi à ce que j'entendais. Il existe, mon cher ami, des cerveaux ainsi faits, que certaines pensées ne sauraient y entrer et surtout s'y graver. Malgré mon honnêteté native qui m'avait toujours éloigné des confidences malsaines ; malgré une existence exceptionnelle qui m'avait mis à l'abri de tout spectacle dangereux, je n'étais pas sans avoir quelques vagues données sur toutes nos misères ; mais j'avais cru de bonne foi que la naissance et l'éducation avaient élevé une barrière infranchissable entre certaines classes de la société et de telles misères. »

Bien plus tôt au XIXème siècle, en 1835, Théophile Gautier s’était aussi emparé du sujet dans son roman épistolaire Mademoiselle de Maupin. Le personnage éponyme fait état de ses conquêtes masculines et féminines et notamment de ses amours avec une jeune fille : « Avec Rosette, je n’ai rien senti de tout cela, jamais, même au moment où elle me résistait le plus, je n'ai eu cette idée qu'elle voulût échapper à mon amour. Je lui ai laissé déployer tranquillement toutes ses petites coquetteries, et j'ai pris en patience les délais assez longs qu'il lui a plu d'apporter à mon ardeur : sa rigueur avait quelque chose de souriant qui vous en consolait autant que possible, et dans ses cruautés les plus hyrcaniennes on entrevoyait un fond d’humanité qui ne vous permettait guère d’avoir une peur bien sérieuse. »

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